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MESSAGE N° 9, le : 22/06/2005

Je repars donc de Batoumi le dimanche matin, en direction de la capitale. La veille, j’ai gratté en compagnie de George, un journaliste rencontré la veille encore (jour de mon arrivée à Batoumi). George est géorgien et journaliste en même temps, comme quoi, hein... Et, pour couronner le tout, il est fan des Beatles, ce qui le rend sympathique à mes yeux dès les premiers instants. Comme en plus il est guitariste nous sommes faits pour nous entendre. Ce samedi soir, nous grattons quelques Beatles ensemble. Avec sa sœur, ils en profitent pour m’interpréter quelques jolies chansons traditionnelles géorgiennes à deux voix que je m’empresse d’enregistrer.

Batumi - Yerevan : La Géorgie sur mon esprit...

Le lendemain, et ce malgré les conseils répétés de George de ne pas prendre cet itinéraire, je choisis de prendre la route la plus courte pour aller à Tbilissi, celle qui passe par les montagnes, avec un col à 2025m. Les arguments de George vont crescendo. D'abord, la route est très mauvaise. Facile à contrer : je suis en VTT et en montée je ne roule pas assez vite pour être embêté par les aspérités de la route. Ensuite, il y a un pont cassé. Je lui dis que je traverserai comme je pourrai, mais qu'il y aura sûrement moyen de franchir la rivière. Là il me sort l'argument massue : il y a des loups dans ces montagnes. Je lui dis que je n'ai pas peur et que si je peux, j'en photographierai. Enfin, l'argument qui tue : « de toutes façons, ils sont fous là-haut, les gens des montagnes... ». C'est une région très jolie, mais ils sont fous, il ne faut pas y aller... Je ne vous cache pas que cet argument termine de me convaincre. En plus, je me dis que si tout le monde met autant d'acharnement que lui (plusieurs autres personnes m'ont franchement déconseillé de passer par là) à empêcher les touristes d'aller dans cette direction, je devrais trouver une région peu polluée par nous autres : les zétranges zoccidentos zavekoussanvélo...

 

Bref, me voilà parti pour une looooongue montée. Le paysage est sympa, je remonte un fleuve qui, petit à petit, régresse, se transforme en rivière, puis en torrent (le ruisseau ce sera pour demain...). Le temps est correct mais se dégrade dans l'après-midi. Vers 18H00, je commence à comprendre pourquoi la région est si verte... L'humidité ambiante dont témoigne l’omniprésence des nuages qui remontent constamment la vallée s'est concrétisée par une bruine bien ennuyeuse. Parce que la bruine, c'est traître. En effet, ça ne mouille pas vraiment. En tout cas, on n'a pas l'impression que ça mouille. Et donc, on continue, en T-shirt de surcroît, pour se retrouver soi-même bien humide au bout d'un moment. C'est le moment que je choisis pour poser mon vélo contre une grange et demander au proprio si je peux dormir dedans. Mais, comme, paraît-il, ils sont fous, il me répond qu'il en est hors de question ! Que je dormirai chez lui, dans un vrai lit. A partir de ce moment-là, les fous des montagnes, je veux dire toute sa petite famille, vont me prendre en charge. Repas très chargé comme savent les concocter les géorgiens, lavage de mes chaussettes sales par la fille de la maison, préparation de mon lit, appel des voisins pour venir voir le français à vélo, etc. En plus, Emraz, le fils de la maison est super sympa et je m'entends bien avec lui. Il a une douzaine d'années et un regard pour le moins espiègle. Il est très fier de son sport : la lutte. Il me montre sa tenue et ses médailles. Séance photo obligatoire. Bref, pour des fous je trouve cela plutôt pas mal... La famille est adorable et je passe une mémorable soirée avec eux alternant gratte, manger et télé (il faut dire que la télé géorgienne repasse, pour me faire plaisir je suppose, la finale de la coupe d'Europe, avec le résultat que vous savez si vous n'habitez pas sur Mars et lisez bien TOUS mes mails romans).

Le lendemain matin, il pleut à torrent... Coup dur ! Alors je prends mon mal en patience en donnant un "cours" de guitare à Emraz. Enfin, vers 11H00, quand la pluie s'arrête, Jean fourche mon vélo (le salaud ! Pas mon vélo, Jean !) et attaque la deuxième partie du plus gros col de ma life... A vélo, bien sûr... Le temps se maintient. Après une courte pause repas, quelques kilomètres sur une route qui n'en a plus que le nom, mais qui en a perdu les attributs probablement à l'époque des Tsars, voire avant, j’approche du fameux pont cassé dont tout le monde me prévient qu'il est effectivement cassé... J'ai fini par trouver la parade : je montre mon vélo et dit : "Niet problem... Yo Vélocipède" et ils ont l'air de comprendre et de se dire que ça devrait aller... Enfin, ils ont l'air plus convaincus que moi... Car même si je fais le malin comme ça, je ne suis absolument pas sûr de pouvoir traverser... Ce qui me ferait tout de même rebrousser chemin sur environ une centaine de kilomètres et devoir emprunter l'autre route, plus longue, et avec un autre col de plus de mille mètres. Et puis, je ne peux m’empêcher de vous parler du gars qui me demande si je suis armé d'un fusil... Au cas où je croiserais des tigres... On nous avait fait le coup des ours en Roumanie, les loups pour ici, mais là, les tigres... Quand même... !

 

Quoiqu'il en soit, je suis rassuré en arrivant sur le lieu du fameux pont cassé car je ne suis pas tout seul. De part et d'autre du torrent, il y a des gens qui s'emploient à faire traverser toutes sortes de marchandises dans une cagette de bois tirée par un câble avec tout un système de poulies. Il faut dire que le spectacle de ce pont cassé est assez impressionnant. J'oublie vite l'idée de descendre en bas avec mon vélo et d'essayer de traverser à pied. L'eau est trop tumultueuse et je risquerais de perdre des affaires. En plus, en bas, il y a une passerelle. Ceci dit, le chemin pour descendre est raide et boueux, et donc : INSTABLE. Résultat, après avoir sympathisé avec les gars qui chargent et déchargent, il est convenu que je traverserai la passerelle avec ma guitare et mes sacoches antérieures pendant que ma randonneuse (mon vélo) se paiera (gratuitement, ils n'ont pas voulu que je participe) un aller simple au-dessus de la rivière en télécagette. Je suis déjà remonté de l'autre côté quand ils mettent le vélo dans la télécagette et je me rassure intérieurement en me disant qu'ils font ça tous les jours à longueur de journées et qu'ils doivent donc savoir faire en sorte que l'objet qui traverse ne fasse pas la chute des 20 mètres qu'il contemple... Bref, la randonneuse arrive intacte de l'autre côté et je repars vers le col après avoir chaleureusement remercié tout ce beau et sympathique petit monde.

 

On m'a dit qu'il me restait environ 8 kilomètres de montée. La bruine de fin d'après-midi se manifeste une nouvelle fois et je commets à nouveau l’erreur de ne pas me couvrir. Comble de malchance je perds mon pull, (mal) attaché à ma guitare, durant la montée. Et je n'ai ni le courage ni l'inconscience de redescendre le chercher (ce qui me ferait sûrement franchir le col aux abords de la tombée de la nuit, et serait donc dangereux). Je continue donc sur ce mauvais chemin de terre et dépasse vite les 8 kilomètres promis. Surprise, il y a de la neige sur le bord de la route. La bruine est maintenant accompagnée d'un épais brouillard. Et, finalement... Je crève ! Pire, je suis atteint du syndrome Richard. N'allez pas croire que je vais vous dire des méchancetés sur mon ex-partenaire de voyage... Il se trouve simplement que durant sa préparation physique et psychologique sur le chemin de Saint-Jacques, mon ex-compère avait rencontré ce problème de manière insistante. Il s'agit d'une usure anormale et avancée d'une partie du pneu qui finit par se déchirer et laisser sortir la chambre à air qui éclate après quelques tours de roue à frotter contre les patins de freins.

Et c'est donc ce qui m'arrive lors de cette ascension. Je commence à réparer et m'aperçois alors qu'il fait bougrement froid. Une fois que l'on s'arrête de pédaler, ce n'est plus la même chose. Mes doigts se refroidissent plus vite que le reste de mon corps et quand je finis la réparation je ne les sens plus. J'ai tout de même réussi à monter mon pneu de rechange et une chambre à air neuve. Je repars donc et atteint le col qui n'était qu'à moins de cent mètres de là. Mes doigts m'inquiètent car je ne les sens absolument plus du tout. J'entame la descente mais le vent, la vitesse, la pluie et le froid me font souffrir. Je m'arrête sous un abri devant un chalet inhabité, dans un village tout aussi désert, en contrebas du col, afin de me protéger de la pluie et, surtout, me réchauffer les doigts. Et c'est là que ça fait mal ! Quand le sang revient il le fait savoir. Enfin, l'essentiel est que ce ne soit pas grave. Je me dis que tout va rentrer dans l'ordre en descendant et que je vais retrouver des températures plus en rapport avec ce début de mois de juin en Géorgie (pays bénéficiant d'un climat subtropical dans le sud, je vous rappelle !). Malheureusement, je ne suis pas au bout de mes peines... La pluie a fait grossir l'un des innombrables ruisseaux qui traversent le chemin et il m'est impossible (malgré mon essai et mon équilibre quasi parfait... ;-) de le traverser sans poser un, puis les deux pieds dans l'eau... glacée !

 

Après les doigts, je me dis que mes orteils sont eux aussi en danger... D'autant que mes doigts refroidissent à nouveau. Et, comble du comble, alors que la descente devient agréable (fin de la pluie, retour du soleil) mon pneu de rechange me lâche à la manière de l'autre. Me voilà tout simplement coincé en pleine montagne, à environ 1700 mètres, aux portes de la nuit, avec les pieds trempés, les doigts engourdis par le froid, les affaires trempées et plus de pull. Aux grands maux les grands remèdes, je commence à descendre à pied, en poussant mon vélo. Je m'arrête au bout de même pas un kilomètre car je suis en train de détruire ma roue. Je m'assois au bord du chemin (comme Cabrel quoi !) et utilise, pour la première fois de ma vie dans une situation d’urgence, ma couverture de survie afin de me réchauffer un peu. Comme j'ai vu au moins trois 4X4 me doubler précédemment, je me dis que j'arrêterai le prochain que je verrai passer pour lui demander de me descendre à Adigeni, le village en bas. Malheureusement, au bout d'une demi-heure, toujours rien. Alors que la nuit commence vraiment à tomber sec, je décide de repartir et terminer ma roue... Il y a quelques habitations un peu plus loin et je me rends directement chez un bonhomme en espérant qu'il va m'inviter à dormir chez lui. Mais lui me recommande de continuer sur 6 kilomètres afin de trouver un petit village où une voiture pourra m'emmener vers Adigeni. Quand je m’apprête à repartir arrive un camion transportant des troncs d'arbres. Le bûcheron quoi ! Le bonhomme l'arrête, lui explique la situation et nous chargeons mon vélo sur les rondins.

 

La cabine est surchauffée mais ça fait un bien fou. Nous sommes secoués dans tous les sens et je ne sais pas si on le doit à l'état de ce vieux camion russe (qu'a peut-être vu Staline lors d'un de ces défilés des forces prolétariennes des républiques sœurs sur la place Rouge, à l'époque où ça se faisait...) ou à l'état de la piste que j'estime bien plus vieille que la plupart des via romana... Bref, le camion tient le choc, et je me rassure une fois de plus en me disant que le gars et sa monture ont eux-aussi l'habitude de faire ce trajet. Finalement, après 12 kilomètres de chahut bahut, nous arrivons à Adigeni où il me dépose devant un hôtel qu'il connaît... Hôtel à trois Lari (même pas un euro et demi...). Bon, il faut dire qu'il n'y a ni électricité, ni eau chaude, et que la gardienne à la pilosité fournie aurait pu jouer dans un film de vampire en tenant le rôle principal... Mais bon, il fait chaud, il y a un poêle dans la cuisine et je peux faire sécher mes affaires, mes chaussures et même cuisiner. Royal, quoi !

 

Le lendemain matin, de jour, avec de la lumière donc, ça a une moins mauvaise tête. En plus, il fait un grand soleil. Mes malheurs de la veille me sembleraient n’être qu'un mauvais souvenir s'il n'y avait cette histoire de pneu. Je me décide donc à tenter une réparation de fortune. Je vais recoudre mon pneu et voire où cela me mène.

Une fois mes talents de couturier mis à contribution, je quitte l'hôtel et mon pneu me lâche 3 kilomètres plus loin, près d’un arrêt de bus. Je recommence donc le stop et y serais encore si un gars bourré ne m'avait pris la tête au point que je me décide à retenter le coup de la couture mais, cette fois-ci, avec du fil de pêche. Banco ! Ça tient ! Je peux alors enchaîner une vingtaine de kilomètres pour me retrouver à Atkhaltsikhe. Malheureusement, le magasin qui vend des pièces pour vélos vient de fermer (il est 18h...). Tant pis, je vais pousser jusqu'à Borjomi à une cinquantaine de kilomètres de là. Je suis un peu trop optimiste car ma couture me lâche au bout d'une trentaine de kilomètres. Je dois enlever les freins arrière afin de pouvoir continuer à rouler sans éclater la chambre à air qui dépasse dangereusement.

 

J'arrive ainsi dans un village et pose mon vélo contre un poteau électrique afin d'entamer l'auto-stop. Vous allez me dire : "On comprend pourquoi ses mails sont si longs. Il nous parle même des poteaux électriques contre lesquels il pose son vélo". Certes, mais celui-là a son importance. En effet, au pied de ce poteau, en y regardant de plus près, je m'aperçois que la plante qui y pousse est du cannabis... Pour un non fumeur comme moi, ça revêt une importance toute relative, mais tout de même... Je prends deux ou trois photos pour que les mauvaises langues n'aillassent[i] pas dire que je pipeaute... Que je manipule le subjonctif d'une manière plus que troublante, je vous l'accorde, mais je ne pipeaute pas !

 

Bref, une camionnette m'embarque quelques minutes plus tard et je commence à craindre pour ma vie. En effet, j'avais oublié les joies de l'auto-stop lorsqu'il est pratiqué dans des pays où le taux d'alcoolémie moyen par conducteur est plus élevé que la croissance de la Chine sur les 5 dernières années et où le code de la route est un mythe, ou, au mieux, une vague histoire qu'on raconte aux petits enfants pour leur faire peur quand ils ne sont pas sages... Le pare-brise de la camionnette comporte tellement de fissures que je me demande comment il ne se brise pas à la moindre des innombrables secousses de la route défoncée. Je soupçonne tous ces impacts d’avoir été causés par les têtes des derniers passagers pris en stop... Et puis, je me rassure une fois de plus en me disant que le chauffeur a l’habitude de son véhicule, de cette route, blablabla…

 

Il me dépose à Borjomi où une dame qui parle anglais m’invite à dormir dans la maison de sa cousine qu'elle garde (pas la cousine, la maison pardi !). C’est une véritable aubaine car le confort me permet de me remettre de ces trois derniers jours assez éprouvants.

 

[i] aillasse : Forme très personnelle de l’utilisation du verbe aller au subjonctif.

Le lendemain, je repars pour Gori. Le temps est magnifique et je finis par sortir des gorges de la rivière dont je suis le cours depuis Adigeni. Le relief se fait plus plat mais le vent est contre. Autour de moi, une plaine alluviale magnifiquement remplie de vergers, de champs et de fleurs. Au loin des sommets enneigés donnent à ce paysage toute sa grandeur. J'arrive ensuite à Gori.

Sur place, des jeunes m'emmènent à l'endroit où l'on peut acheter des pneus. Le gars qui me vend le pneu chinois de 2.125 (large, trop large, du genre qui colle à la route quoi !) me dit que c'est une grosse daube et qu'il ne tiendra pas plus de 100 kilomètres... Ça promet ! Ensuite, les jeunes me parlent du musée et de la maison de Staline. Et là, tout me revient. Depuis mon entrée en Géorgie, je me disais qu'il me semblait que Staline était un peu géorgien, si mes souvenirs étaient bons... Et puis, ce nom de Gori sur la carte me disait aussi quelque chose... Bref, Gori est la ville natale de Staline. Et vous savez quoi ? Les gens de là-bas en tirent une fierté non dissimulée.

 

Autant, je n'aime pas les comparer car c'est faire un dangereux amalgame entre Fascisme et Communisme, mais le contraste est saisissant entre Braunau qui ne joue absolument pas sur la carte Hitler pour la promotion du tourisme dans la région (et on les comprend…), et Gori qui joue la carte Staline. Sa maison est conservée avec une ferveur quasi religieuse, sous une espèce de temple que l'on a construit pour la protéger, et un énorme musée abrite des objets lui ayant appartenu (notamment le stylo avec lequel il a signé Yalta, ou Postdam, je ne sais plus...). La première image que l’on perçoit en arrivant à Gori en train est un énorme portrait du moustachu (non pas Brassens, toujours Staline!) et une imposante statue fait face à la mairie sur la plus grosse place de la ville. Tout ceci est assez troublant.

 

Dans un cyber café, je rencontre une étudiante en anglais, Tamara, qui m'aide à me trouver un logement dans une famille très gentille.

 

Je vais donc passer 4 jours à Gori. 4 jours durant lesquels j’entrevois un peu la vie dans une ville géorgienne. Je me fais prendre en charge par les amis de Tamara qui s'emploient à me montrer la ville et ses alentours. Je suis reçu dans la famille de l'un d'eux pour un excellent repas où je découvre pourquoi ils boivent autant. C'est parce qu'il y a toujours quelqu'un pour porter un toast. Attention, c'est très important les toasts ici, si quelqu'un en fait un il faut boire. Et ceux qui ont soif, eh ben ils portent des toasts à tout et n'importe quoi : les amis, les frères et sœurs, le cerisier, les montagnes du coin, etc. Je me rends compte aussi qu'il ne faut jamais, et je dis bien JAMAIS terminer son assiette. Nous avons là un exemple typique de choc des cultures. Quand moi, jeune français bien élevé par mes parents, je termine mon assiette, plus par politesse que réelle faim, mon hôte géorgien croit que j'ai encore faim et m'en ressert sans que je puisse l'en empêcher. Et moi, par politesse, donc, je re-termine... et ainsi de suite jusqu'à ce que je réalise que je ne dois plus terminer mon assiette. Enfin, il m'aura fallu du temps, mais maintenant je suis au point...

 

A Gori, je vais aussi visiter la ville troglodytique d’Uplistsikhe "Forteresse de Dieu" en vieux géorgien. Construite vers 1500 avant J-C, elle offre un bel exemple de ce que pouvait être la vie dans cette région du Caucase à l'époque. La visite d'Uplistsikhe nécessite de prendre le train et ça me permet de voir la gare et, surtout, l'énorme portrait de Staline qui y trône.Bref, je passe 4 jours sympas avant de repartir le dimanche pour Tbilissi.

Le pneu chinois tient le coup et je suis rapidement aux abords de la capitale. Il faut dire que, une fois n'est pas coutume, le vent et la descente sont avec moi, tous les deux en même temps. A Tbilissi, le ton est donné dès l'entrée de la ville par une immense affiche représentant Bush Jr. invitant les tbilissiens à venir "rencontrer" le président américain place de la Liberté (évidemment... !) le 22 mai, mais bon, c'est (heureusement) déjà passé.

Je fais un bon tour de la ville à vélo pour m'apercevoir que le moindre hôtel est à 30 USD et me rabat donc sur le système du : "vous savez où je peux trouver un hôtel pas cher ?" dont la réponse est : "mais attendez, j'ai un voisin qui peut vous louer une chambre pour 10 USD si vous voulez... " Eh oui ! Me voici revenu dans le tiers-monde. Vous savez, ce que j'appelle le tiers-monde ce sont les pays où les gens préfèrent posséder des dollars américains avec écrit dessus "In God We Trust" (Nous croyons en Dieu) plutôt que leur propre monnaie nationale parce que le dollar c'est plus stable... Même s’il y a un brin de logique là-dedans et si je respecte leur choix et leur comportement, je trouve cela d'une tristesse déprimante. D'ailleurs, moi qui voyage (ai la chance de pouvoir voyager), je le ressens tout de suite puisque très souvent quand je demande un prix on me le donne en dollars... J'explique alors que je n'ai pas de dollars en ma possession (ce qui est faux, mais bon, c'est pour les besoins de la cause...), que j'ai de la monnaie nationale et que j'entends payer avec et que, en plus, je n'aime pas le dollar. Je fais même des signes de cracher dessus... En général, ça déclenche l'hilarité de mon auditoire et cela confirme, à leurs yeux (après mon histoire de venir à vélo depuis la France) que je suis réellement fou... Pourtant, j'habite pas les montagnes...

 

Bref, pour 20 Lari je suis logé dans le centre. Même si c'est beaucoup pour mon budget, c'est raisonnable pour Tbilissi.Le lendemain, je me rends directement à l'ambassade d'Arménie où je fais ma demande pour le visa arménien (normal, non ?) que je n’obtiendrai que 3 jours plus tard : le jeudi 16. Ça me laisse donc du temps pour visiter la ville et chercher des pièces de rechange pour mon vélo.

 

Durant ces trois jours à Tbilissi, je visite et fais quelques rencontres, notamment au CCF (Centre Culturel Français). Marie, amie de Magali (rencontrée au CCF) m'invite à manger avec elle chez son chef, un des militaires de l'ambassade de France à Tbilissi. J'accepte l'invitation avec un intérêt non caché pour le fait que Jean-Paul et Viviane se sont rendus en Iran il y a un mois. Le couple est très gentil et Jean-Paul adore le cyclotourisme. Il est même responsable d'un club local. Nous parlons donc vélo et Iran. Je vois leurs photos et la description qu'ils m'en font me donne une folle envie d'accélérer pour rapidement arriver en Iran. Ça tombe bien, demain je récupère mon visa.

 

Justement, le lendemain, je loupe mon réveil et arrive assez tard à l'ambassade. Comme en plus, j'ai promis à Marie de passer converser et parler de mon voyage à sa classe d'étudiants de français, je me mets bien en retard pour partir... Et puis il y a les musiciens... Eh oui ! J’ai rencontré des musiciens super cools qui ont eu la gentillesse d'accepter que je les enregistre. La veille ils m'ont aussi fait jouer dans le bar où ils se produisent. Et ce soir-là, ils me montrent le Club Beatles où jouent des ersatz des Fab Four... Bon, le niveau des ersatz n'est pas top, mais le patron du bar m'a invité, alors je la joue politesse... Vous savez, l'histoire de pas finir les assiettes...

 

Bon, le lendemain matin, je tente le tout dernier endroit que l'on m'a conseillé pour trouver des pneus comme je veux. Vu que c'est un peu à l'autre bout de la ville, que dis-je ? Du pays ! Ça me prend un temps fou. Sans compter que je rentre bredouille. Il est 15H et je dois encore préparer mes affaires... Tant pis, je pars quand même !

Il est presque 16H quand je décolle. Le vent est avec moi et c'est bien utile. Une succession de montées et descentes m’attend mais le paysage est de plus en plus beau. On voit au loin se dresser les montagnes arméniennes, très imposantes. J'arrive à la frontière sur le coup des 19H après 70 bornes. Une fois le poste passé, je trouve une station essence où les gens m'accueillent les bras ouverts et me proposent de dormir dans un de leurs bureaux, sur un canapé.

Je repars le lendemain et attaque les longues montées à travers les montagnes arméniennes. Une fois de plus j'ai choisi, suivant les conseils de Jean-Paul (le militaire de Tbilissi) et du consul arménien, de prendre la route des montagnes, celle qui mène au lac Sevan (1900m). La route est effectivement magnifique, paysages superbes, et, de surcroît, en parfait état. Certes, les montées en plein cagnard c'est pas évident, mais bon, à force de temps et de patience on y arrive. Comme en Turquie, des gens m’invitent régulièrement depuis le bord de la route à me joindre à eux pour boire un coup et discuter.

 

Durant la montée la plus dure de la journée, je m’aperçois que ma pédale de droite est en train de me lâcher (roulement à bille mort) et je m’aperçois encore plus désabusé que la pédale de rechange que je possède depuis la Turquie ne s'adapte pas... Encore un truc des turcs... Mais non ! C’est juste qu'une pédale de gauche ne s'adapte pas sur la manivelle de droite... Encore eut-il fallu que je le sache... Ma foi... Tant pis, une bonne demi-heure perdue dans la montée à essayer de remplacer cette p**** de pédale (tiens, je m'autocensure moi-même maintenant, c'est nouveau ça... ! Veut-ce dire que je vieillis ?), alors que c'est physiquement impossible, rapport au pas de vis... Et puis, avant d'arriver sur Idjevan je crève. Décidément…

 

Je suis donc à Idjevan, après mes 80 Kms quotidiens, où je trouve une famille qui fait une grosse fiesta. Je me fais tout naturellement inviter à boire, manger et dormir. Là aussi c'est assez royal. Guitare, piano, la soirée est très agréable.

Et le lendemain matin, me voici donc reparti pour Sevan. Je sais que la montée qui m’attend risque d’être difficile et longue, mais bon... Finalement, à part les quelques kilomètres avant le dernier tunnel (3 Kms dans le noir, toujours en montée), je n’ai pas tant souffert que ça. Je commence à croire que mon corps s’habitue à ce sport de masochistes qu’est le vélo.

 

A la sortie du tunnel, on est à plus de 2100 mètres et ça redescend tranquillement vers le lac Sevan (1900m). Le lac Sevan est un peu comme une petite mer intérieure. C’est marrant, mais je trouve le paysage un peu altiplanesque, et la comparaison va jusqu’au lac qui me rappelle inévitablement le lac Titicaca, en plus petit bien sûr. Pour ma part, je visite la presqu’île de Sevan et prends quelques photos avant de me trouver un coin de plage où camper. Si le temps le permet je resterai peut-être dans les environs du lac demain matin.

Mais voilà, le temps ne le permet pas. Ce matin, il fait un fort vent et un peu de nuages. Je décide donc de poursuivre comme prévu vers Erevan. Ce qui devait n’être qu’une simple formalité (1000m à descendre sur 60 Kms) se transforme en un cauchemar parsemé de montées-descentes avec un fort vent de face sur les 40 premiers kilomètres... En revanche, après c’est énorme ! 20 Kilomètres d’une FORTE descente... ça déchire ! Et me voilà dans Erevan d’où je me permets de vous écrire ce mini roman (vous avez l’habitude maintenant). J’ai trouvé un logement immense mais assez onéreux et j’attends mon visa pour l’Iran sous une dizaine de jours.

 

Voilà pour les dernières nouvelles du gars Yoyo et de ses 5825 kilomètres au compteur.

 

À+

 

Lionel.

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