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MESSAGE N°12, le : 30/08/2005

Quetta - Bahawalpur... la route...

Soyons clairs, dans ce monde de brutes où nous vivons (Bush 2 fois président des Etats-Unis, 3 si on compte son daron, Paris Plage qui termine avant la fin du mois d'août et Chelsea qui enchaîne les victoires...) me retrouver dans un pays qui a la réputation d'être l'un des PIRES endroits du suscité monde de brutes n'est, a priori, pas une très bonne idée, notamment en ce qui concerne ma sécurité... Eh ben, je vous rassure : TOUT VA BIEN pour moi, merci ! C'est d'ailleurs pour rassurer les plus pessimistes d'entre vous : mes amis, mes proches, ma famille, et faire chier mes ennemis (il n'est pas censé s'en trouver parmi vous, mais bon, en répandant la bonne nouvelle de ma santé autour de vous, vous en atteindrez peut-être ; il parait que tout le monde se connaît au 6ème degré...), que je vous écris ce mail si rapidement après celui de Quetta qui était pourtant déjà bien long.

 

La dernière fois, je vous avais laissé dans cette bonne ville de Quetta où j'étais arrivé en bus depuis la frontière avec l'Iran après avoir traversé une partie du désert du Baloutchistan. D'abord, il faut que je vous parle du bus. Chargé comme c'est pas permis. Et déjà, je me dis que les péruviens et autres boliviens des Andes sont de petits joueurs comparés aux pakistanais... Ça promet ! C’est-à-dire que, non seulement le toit du bus est chargé de paquets sur une épaisseur d'environ 2 mètres et ce sur toute la longueur et la largeur du bus, mais en plus, les soutes débordent. L’intérieur, c'est pas mieux. Quand je rentre dans le bus j'essaye d'enjamber ce qu'il y a par terre... Impossible ! A moins d'avoir des jambes de 10 mètres de long... En effet, dans l'allée centrale sont entassés 3 immenses tapis enroulés sur lesquels il me faut marcher pour atteindre mon siège au fond du bus. Le fond du bus, parlons en justement ! Les cinq sièges du fond, vous savez ? Ceux des caïds quand on faisait une sortie scolaire... Zip ! Disparus sous un tas de paquets, sacs, sacs de riz ou d'autres choses. La rangée de siège qui précède : Idem. La moitié de l'avant dernière rangée : Idem. Quant à l'autre partie de cette même rangée (deux sièges donc) elle accueillera 3 jeunes (mon voisin me dira de m'en méfier car ce sont, d'après lui, des talibans...) qui resteront serrés les uns contre les autres durant les 10 heures du trajet. Bref, ça fait encore du volume utilisé. Ceci dit, tout cela a un prix... L'intérieur du bus est renforcé par des barres de fer verticales qui consolident son armature. Mais, bon, même comme ça le toit fait mine de ployer sous son surpoids à chaque secousse de la route... C’est-à-dire assez souvent. Bref, c'est plutôt folklo.

 

On s'arrête plusieurs fois en plein désert, auprès d'un abri isolé, pour la prière, et une fois pour manger aussi, tout de même. Les gens sont sympas avec moi. Ils me sourient et me proposent de manger avec eux. Je me dévore une pastèque et me procure des dattes dans l'espèce de relais dans lequel nous nous arrêtons pour manger. Puis, nous arrivons à Quetta vers les 8 heures du mat', avec seulement deux heures de retard, ce qui, personnellement, m'arrange. Comment allais-je trouver un hôtel acceptant de prendre un client pour la nuit suivante à 6 heures du matin ? Déjà à 8 heures… En prenant un peu mon temps pour me repérer, petit déjeuner et chercher l'hôtel, j'arrive à des horaires plus raisonnables. Je trouve l'hôtel en question, Hôtel Muslim, où l'on me donne une chambre avec ventilo pour la modique somme de 100 roupies pakistanaises, environ 1,30 Euro... Pas trop cher quoi !

Un petit somme et je fais un tour en ville, notamment pour retirer de l'argent avec ma carte bancaire. Ici ce n’est pas l'Iran, on est chez des amis des Etats-Unis d'Amérique... Pas de sanctions pour un pays dont le gouvernement, issu d'un coup d'état militaire, a soutenu les States dans leur guerre en Afghanistan... Donc Visa possède des distributeurs ici, et notamment un à Quetta. Victoire ! Je suis à nouveau riche ! Et puis pas qu'un peu. Ici, c'est encore moins cher qu'en Iran. Pour vous donner un ordre d'idée, 10 roupies valent environ ce que valait un Franc à l'époque. Hé ben pour 10 roupies on a une boisson : un coca, un jus de canne sucre, etc. Un repas, c'est entre 20 et 150 roupies, ça dépend s’il y a de la viande ou pas... Bref, le Pakistan, s'il n'est, d'après les dires, pas bon pour ma sécurité, se rattrape sur celle de mon porte-monnaie.

 

Ici, je ressens une vraie rupture avec le reste de mon voyage. Moi qui croyais naïvement qu'il suffi(sai)t de passer le pont sur le Bosphore, à Istanbul, pour être en Asie... Il suffit de passer l'Iran oui ! Et même l'Iran, comparé au Pakistan, ce n’est pas encore réellement l'Asie. Ici, en revanche, et je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi, c'est l'Asie. Est-ce la pauvreté, la saleté (Ouille ! Ouille ! Ouille ! Que c'est sale !) ? Pardon, je devrais user d'un euphémisme, comme font les gens bien élevés quand ils parlent des pauvres, et évoquer le « manque d'hygiène » au lieu de la saleté, mais bon, un chat est un chat et le Pakistan c'est crade. Est-ce la pauvreté ? La saleté ? Les apparences (notamment vestimentaires) ? Ou l'espèce de folie ambiante qui semble régner ? Mais en tout cas, cette fois-ci, je suis bien en Asie.

Oui, c'est sale... Vous me direz que les gens d'ici, pauvres comme ils sont, ont sûrement d'autres chats à fouetter. C'est sûr, mais bon, moi je dis ce que je vois. Et ce que je vois, c'est un pays où je n'ai pas encore vu une seule poubelle ! Ici, on jette tout par terre, par la fenêtre, par ce que vous voulez, mais on jette. Bien sûr, des gens encore plus pauvres que les pauvres moyens récupèrent ce qui pourra leur permettre de survivre après revente au kilo. En Iran, il y avait souvent dans les villes un système de ruisseau où les gens jetaient leurs petits déchets. Bon, ce n’est pas très joli mais c'est efficace car l'eau courante emmène les déchets là où ils doivent être emmenés. Ce système existe aussi dans les villes pakistanaises à la différence qu'en été, période actuelle, il n'y a pas ou peu d'eau, ce qui fait qu'on a affaire à de l'eau stagnante et non courante... Résultat, ça empeste les égouts à chaque coin de rue et l'eau a des couleurs que je n'ai pas osé prendre en photo car avec le numérique je soupçonnais mon ordinateur de ne pas avoir le code pour rendre la couleur à l'écran... Enfin, moi je vous raconte ça, je m'en accommode plutôt tranquillement, je suis là de passage, mais je me dis que pour les gens qui vivent ça au quotidien...

 

Outre la saleté, le vrai choc c'est de voir l'anarchie ambiante. A commencer par la circulation. Les véhicules, que ce soient des mototaxis, des voitures, des camions décorés de multiples couleurs, des ânes tirant une carriole, ou encore des vélos, arrivent de partout dans un brouhaha de klaxons assez infernal et repartent sans accident. Je pense que Deep Blue (l'ordinateur super puissant qu'ils utilisent pour les parties d'échecs contre les champions humains) serait incapable de gérer la circulation pendant 10 minutes sur un kilomètre carré de ville pakistanaise... Enfin, je parle d'anarchie mais ce n'est qu'une apparence... Car en fait, même si le système des castes n'existe officiellement pas au Pakistan, il est plus ou moins en place culturellement. C’est-à-dire que si ton père est médecin, tu embrasseras probablement la carrière de médecin (et tant mieux pour ton niveau de vie !), mais s'il était pauvre, tu embrasseras très sûrement la carrière de pauvre... Notons que, malgré la concurrence très sévère pour cette dernière carrière, les places restent faciles à décrocher... Bien sûr, en théorie chacun est libre d'embrasser la carrière qu'il veut. En gros, un fils de médecin peut devenir pauvre ouvrier agricole gagnant une misère s'il le souhaite, et un fils, ou encore plus drôle, une fille... Non, pas une fille, faut pas déconner quand même, on parle de choses sérieuses ici... Un fils, disais-je, de pauvre garagiste (oui, ici ils sont pauvres... Pourtant ils ne manquent pas de boulot...) peut, s'il le souhaite, et si son père a gagné au loto pour lui payer les études correspondantes, embrasser la noble carrière de médecin... Je ne m'embarquerais pas dans ce que je pense de ce calamiteux système et de ses conséquences sur les mécanismes d’ascension sociale...

 

Donc, je suis à Quetta. Mes premières sorties dans la ville me rassurent quant à la soi-disant animosité des pakistanais (notamment ceux d'ici) à l'endroit des occidentaux. Tout au long des 2 jours à Quetta je n'aurai aucun problème avec les gens. Au contraire, de grands sourires, de nombreuses invitations à boire du thé, et un global désir de converser avec un occidental. De temps en temps, je crois percevoir quelques regards tendus par-ci par-là. Le fruit de mon imagination peut-être... Quoiqu'il en soit, je me repose un peu durant ces deux jours, vous écris le dernier mail (ce qui me prend, vous en conviendrez, un certain temps...) et me prépare à reprendre le guidon.

 

Le 17 au matin me voici donc reparti en direction de Sukkur, à 400 Kms au sud-est de Quetta. Pas vraiment ma route, mais le gars de l'office du tourisme, idéalement situé DANS l'Hôtel Muslim, m'a averti que la route la plus courte vers Islamabad, celle qui longe la frontière avec l'Afghanistan, est fermée aux touristes en raison des troubles que le gouvernement fédéral ne contrôle pas totalement (totalement, en voilà un bel euphémisme...). Donc, je dois faire le détour par Sukkur qui est, soi-disant, une région plus calme.

 

Me voilà parti contre le vent, pour ne pas changer les bonnes habitudes, sur une route qui monte très légèrement vers le fameux col du Bolan. Ça monte tellement légèrement que lorsque j'arrive à une petite pente d'une centaine de mètres, un peu plus raide, je me dis que si c'est ça le col du Bolan, c'est le col le plus ridicule que je connaisse. Bon, en fait c'est ça... L’explication, c’est que je navigue sur les plateaux Iraniens depuis plusieurs semaines, et là, je m'apprête à redescendre. En descendant pendant des kilomètres et des kilomètres de l'autre côté, je me dis que j'ai parlé un peu trop vite... Ce col du Bolan je n’aurais pas aimé me le farcir dans l'autre sens. Ceci dit, ne boudons pas notre plaisir ! La descente est magnifique. Des gorges sinuant le long d'une rivière à sec, des montagnes magnifiques et majestueuses, et cette descente qui n'en finit pas. Encore un de ces instants magiques qui embellissent le voyage... Et puis, juste avant le col il y avait ce campement de nomades avec ses dromadaires. Les couleurs sont toujours dans des tons beiges, rapport à l'environnement sablonneux et argileux.

 

Finalement, au bout de cette journée de vélo ma foi bien agréable, je m'arrête dans l'un de ces nombreux relais pour routiers où je me lave un peu avec l’eau de la mosquée. C'est le bon plan les mosquées. Comme il faut toujours être propre (rapport à la pureté) quand on s'adresse à son dieu, il y a toujours des robinets et de quoi se laver dans les mosquées. Ensuite, je m'éloigne un peu vers l'un de ces pylônes de lignes à haute tension qui sont devenus mes amis au fil du voyage. J'y installe mon hamac et dévore le melon que je me suis acheté un peu plus tôt dans la journée. Je regrette le hamac un peu plus tard car les moustiques m'empêchent de dormir. Je dois monter ma tente en catastrophe sur un parterre de caillasses qui ferait passer le ballast des chemins de fer pour du carrelage en coton... Comble de malheur, je me chope mon premier vrai mal de bide avec les conséquences gastriques que je vous laisse imaginer...

Au matin, je suis une épave... J'ai de la fièvre, une chiasse infernale et un mal de ventre pas possible. Je retourne au relais routier de la veille, même pas à un kilomètre, et m'y effondre sur l'un de leurs sommiers sur lesquels les gens mangent et se reposent pour supporter la chaleur : un Charpai (prononcer tcharpaille). Je me mets à trembler et les gens autour commencent à s'inquiéter. Rapidement, les policiers d’un poste voisin sont prévenus et l'un d'entre eux s'occupe activement de moi. Bien lui en prend car c'est le moment que je choisis pour faire ma première crise de tétanie... Assez impressionnant le machin. Parce que, sur le moment, je ne savais pas que ce n'était qu'une crise de tétanie... Je pensais qu'un méchant moustique m'avait refilé une tout aussi méchante maladie et que c'était pour ça que mes membres se raidissaient, que j'avais des fourmis dans tout le corps, y compris la mâchoire et que je ne contrôlais plus mes pouces qui se dirigeaient chacun vers le centre de mes paumes... Bref, je flippais un peu... Heureusement, le policier me fit deux piqûres. Perso, je me serais bien passé de la première, une intramusculaire qui m'a fait tellement mal que j'ai cru qu'il avait piqué dans l'os de mon bras, et une deuxième, intraveineuse celle-ci, beaucoup plus tranquille, qui a correspondu avec la fin de ma crise. Un petit somme de deux heures dans la foulée et je me sentais déjà mieux. Mieux au point de repartir sur mon vélo à travers ces fabuleux paysages désertiques et essayer de rejoindre Sibbi à 70 kilomètres de là.

 

Au bout de 10 kilomètres, je réalise que j'ai un peu présumé de mes forces... En plus, je suis à cours d'eau. Finalement, je m'arrête après 20 bornes et fais du stop. Un pick-up me prend sur 15 kilomètres (les plus jolis depuis longtemps) et me dépose à 10 kilomètres de Dadhar. Je fais un dernier effort et rejoins ce gros village où je me désaltère en enchaînant 4 cocas (25 Cl) bien mérités ! Puis, une fois le village traversé, je me pose dans mon hamac, au bord d’un canal, entre deux arbres, pour une petite sieste afin de reprendre des forces avant de poursuivre vers Sibbi.

 

Deux heures plus tard, il n'est que 16 Heures, je repars vers Sibbi à travers un tout autre paysage. Terminées les montagnes ! Je suis sur le bord de la plaine indienne. Et dans « plaine indienne » il y a « plaine », et donc, c'est tout plat, même si c’est encore assez désertique. J’arrive enfin à Sibbi, en meilleur état que le matin même.

 

Je trouve un hôtel pas cher, en plein centre de cette petite ville, et entreprends mon rétablissement. Je décide de rester un jour plein sur Sibbi afin de récupérer. Ceci dit, je tiens absolument à retourner faire la quinzaine de kilomètres que j'ai loupé la veille à vélo. Non pas par obsession des kilomètres, mais pour faire des photos car l'endroit est vraiment magnifique. D'abord, il y a cette rivière où les gens se baignaient hier (et donc aujourd'hui aussi, le climat n'étant pas un facteur variable ici...) et puis, il y a ces montagnes... Je n'ai tout simplement jamais vu ça. C’est comme si un plateau argileux s'était incliné subitement laissant apparaître d'innombrables et gigantesques craquelures à sa surface. Sur les photos (numériques en tout cas) ça ne rend rien... Trop dommage ! Mais je vous assure qu'en vrai, c'est phénoménal. Dans d'autres pays, des guides m'ont déjà fait me déplacer pour beaucoup moins que ça... Ceci pour vous dire que le Pakistan possède, outre son côté himalayen, déjà exploité, un riche potentiel touristique.

 

La rivière est chaude. Même pas tiède, non non, chaude. Autour des 31 degrés, c'est chaud quand même, pour une rivière de montagne. Je m'y baigne et rencontre un groupe d'amis, que des gars, évidemment, tous garagistes, en train de se baigner et s'apprêtant à pique-niquer. Il va de soi qu'ils insistent pour que je partage leur repas. Il va de soi que j'accepte l'invitation et ne le regrette pas. Je passe un agréable moment en leur compagnie et repars vers Sibbi où je suis en fin d'après-midi. Là, je rencontre un gars qui veut voir mon passeport. Il me dit qu'il fait partie des services secrets pakistanais. Sa tenue, un pyjama (comme tout le monde ici), ne me renseigne pas plus que ça sur la véracité de ses dires et je demande donc à voir sa carte. Il s'agit en effet d'un petit James Bond le bonhomme. Bon, va, je lui montre mon passeport qu'il photocopie et me rend toujours très cordial. Ensuite, je dois aller rapporter ma présence à la police. C'est la procédure m'apprend-on. En fait, quand on est touriste au Pakistan il faut aller indiquer ses noms, prénoms, prénom de son père (très important, rapport à ce que je vous disais tout à l'heure, ici, culturellement, on est défini par rapport au père), numéro de passeport, de visa, ville de provenance et ville de destination. Le plus surprenant dans l'histoire, c'est que ces bougres de policiers considèrent que nous, les étrangers, devrions savoir que nous devons remplir ces formalités. En effet, ces dernières sont des réminiscences de l'époque coloniale et donc des anglais. Par conséquent, moi, en tant que français, je devrais savoir qu'il y a de telles formalités à remplir, c'est évident…

Enfin... Je sympathise, comme souvent d'ailleurs, avec le gars du café Internet et en apprends toujours un peu plus sur la vie au Pakistan. Il me présente ses amis dont l'un se dit Moudjahidin. Je pense qu'il ne plaisante qu'à moitié... En plus, son père est mort en combattant les russes en Afghanistan. Il dit admirer Ben Laden mais que je n'ai rien à craindre de lui car après l'heure que nous venons de passer à parler et déconner ensemble nous sommes amis, et que les amis c'est sacré... J'ai de drôles d’amis…

Le lendemain, je repars en direction de Sukkur. Je ne suis même pas encore sorti de la ville qu’un gars me tope et me dit d'entrée qu'il fait partie des services des renseignements... Il me dit que des policiers à moto vont m'escorter pour me montrer le chemin hors de la ville. Malgré mon insistance sur le fait que si j'ai su arriver dans ce cul de sac je saurai en ressortir, il ne me laisse pas vraiment le choix... Et me voici escorté par deux gars à kalachnikov sur une moto. Heureusement, ça ne dure que 4 kilomètres. Ensuite, je me retrouve sur une portion de route assez désertique. Je teste mon nouvel achat : une glacière dans laquelle un gros bloc de glace baigne dans de la flotte. J'ai réussi à caler tout ça sur mon tas de bagages et j'ai eu là une bonne idée. En effet, j'ai maintenant une autonomie d'eau très fraîche assez importante. Ça tombe bien car je parcours au moins 40 kilomètres sans voir un bled ni même un point d'eau.

 

Et puis, le cauchemar commence. Je croise des flics de la route qui me disent qu'ils doivent m'escorter. Ils veulent que je monte le vélo à l'arrière de leur pick-up afin de m’emmener jusqu'à la prochaine ville. Je leur dit qu'il en est simplement hors de question et je me surprends à hausser le ton face à ces gars armés de mitraillettes... De toute façon, c'est la fin de la journée et je compte passer la nuit à Nuttal, à quelques kilomètres de là. Les policiers me disent que ça ne va pas être possible car on est près d'une zone tribale assez dangereuse. Je repense à ce que m'a dit le gars de l'office du tourisme à Quetta sur la soi-disant stabilité de la région. J’explique alors aux policiers que je tendrai mon hamac dans leur poste de police, comme ça ils seront rassurés quant à ma sécurité. Au début, ils sont réticents. Mais je rencontre le responsable de tout le district, un monsieur fort sympathique qui parle correctement anglais, que je convaincs de me laisser dormir ici.

Le lendemain, après une bonne nuit de hamac, je repars, toujours escorté par les flics en pick-up, en direction de Sukkur. Les policiers sont sympas mais ils me font des signes pour que j'aille plus vite, ce qui m'énerve passablement... Moi je leur réponds que s'ils veulent ils peuvent accélérer (et me foutre la paix...) mais que je vais à la vitesse qui me convient. De temps en temps, ils font une tentative pour me faire accepter de monter dans le pick-up avec le vélo mais je refuse systématiquement, commençant même à trouver cela marrant. Ceci dit, avoir une escorte entraîne des conséquences assez fâcheuses. Notamment lors de mes arrêts dans les villages pour manger un morceau ou boire un coup, ou tout simplement me reposer un peu. Les gens, voyant un occidental à vélo, en plus escorté par la police, se massent autour de moi et le moindre de mes arrêts signifie tout de suite un rassemblement de 50 personnes minimum dont je suis le centre. Je vous assure que pour manger ou pour boire un coup quand une cinquantaine de paires d'yeux vous fixent sans rien dire, c'est pas évident. En plus, il y a toujours un gugusse un peu grande gueule pour raconter aux autres ce qui se passe. Je reconnais souvent quelques mots (genre le pays d'où je suis supposé venir, jamais le bon..., ou la ville où j'ai dû atterrir...) qui me montre que le gars dit n'importe quoi, ce qui m'énerve encore plus. Il arrive souvent que ce même gars sorte des blagues qui font rire tout le monde sauf moi. Je me mets alors à lui parler en anglais (qu'il est supposé maîtriser, car il m'a dit bonjour et comment ça va dans cette même langue) pour montrer aux autres qu'en fait il ne capte que dalle et qu’il se fout de leurs tronches autant que de la mienne... Des fois ça marche, le gars, piteux, arrête son cinéma. D'autres fois, je fais chou blanc. Mais bon, au moins, j’ai essayé de rétablir la vérité… Non, vraiment, les plus mauvais contacts avec les locaux, c'est quand je suis escorté... Relativement normal, non ? Normal, mais chiant... Enfin...

 

J'arrive finalement à Sukkur, après avoir parcouru de jolis paysages. Je suis maintenant dans une région agricole, beaucoup plus verte donc, découpée par d'innombrables canaux qui longent la route ou la croisent. Les gens se baignent dans ces eaux boueuses, semblent même s'y laver, souvent en compagnie de leurs animaux, principalement des bovins. A Sukkur, mon escorte me trimballe, il n'y a pas d'autres mots, d'un poste de police à un autre pour que je rencontre tel ou tel responsable de district. Je perds patience au bout du troisième poste. Je fais exploser la colère qui monte en moi depuis le début du trimballage, alors que je voulais juste m'installer dans un petit hôtel, prendre la douche que je mérite et aller me restaurer et me réhydrater un peu. Mais non, je poireaute sur une chaise dans un bureau avec un gars qui feint d'ignorer ma présence, depuis plus de 20 minutes quand je me lève et me dirige calmement vers la porte de sortie. L'officier qui parle un peu anglais et qui sert d'interprète essaye de m'en empêcher. Mal lui en prend ! Je lâche tout ce que je ressens et que je rumine depuis un bon quart d'heure, en gueulant et lui disant que cette fois-ci, police ou pas, je me barre et vais me trouver un hôtel. Comme par enchantement, l'autre nase qui faisait comme si je n'étais pas là me demande mon nom, mon prénom, prénom de mon père, etc. et me dit que je peux y aller. Il m'adjoint un policier qui va "m'aider à trouver un hôtel". Je lui dis que je n'en ai pas besoin, mais, apparemment, je n'ai pas vraiment le choix... Je m'installe donc finalement dans un hôtel sympa et pas cher, en plein centre et, quand je redescends à la réception après la douche, j'ai la douloureuse surprise de voir qu'on m'a flanqué un garde du corps en uniforme et kalachnikov... Catastrophe. Moi qui suis là en tant que voyageur indépendant et, si possible, discret, c'est loupé ! Bon, me voici escorté par le gars, pas méchant pour deux sous, qui ne me lâchera pas de la soirée. Il m'attendra même durant les 3 heures que je passerai dans le cyber café avant de rentrer me coucher... Je vous rassure, la nuit, il est rentré chez lui pour dormir...

Outre qu'elle m'agace profondément, cette histoire d'escorte m'inquiète. D'abord, si on me donne une escorte c'est que, finalement, c'est peut-être vraiment dangereux pour moi de voyager au Pakistan. Et ensuite, si ce n'était pas vraiment dangereux à la base, avec l'escorte j'ai peur que ça ne le devienne. En effet, les gens malintentionnés (il y en a partout, même chez les gentils et souriants pakistanais) me voyant escorté, pourraient se mettre à penser que je suis quelqu'un d'important, je veux dire, de socialement important, et alors envisager des choses que moi je n'envisage pas... Bref, cette histoire de sécurité policière, c'est la poisse !

 

D'autant que le lendemain, ces clochards me laissent tomber ! Pas de garde du corps... Comme ça, je suis totalement vulnérable parmi tous ces gens qui m'ont vu hier avec le garde du corps... Enfin ! Je passe tout de même une excellente journée dans Sukkur, à visiter un peu et me reposer.

 

Je repars le jour suivant sans escorte, s’il vous plait, car je ne passe pas prévenir la police de mon départ (il ne manquerait plus que ça !). Je ressens un immense plaisir d’avoir largué mon escorte et profite un maximum de ma tranquillité retrouvée. La journée se passe donc très bien et je ne crée plus ces grands rassemblements à faire trembler Woodstock dès que je m'arrête. La classe quoi ! Le soir, je me pose, ainsi que mon hamac, dans un relais routier, vers Mirpur Mathelo, près de la frontière entre les provinces du Sindhi (où je me trouve toujours) et du Punjab, vers laquelle je me dirige et serai demain, en théorie...

En théorie oui, car en pratique, c'est une autre paire de manches... Le lendemain matin, je ne sais pour quelle raison : bouffe, eau, rechute d'il y a une semaine, mais je suis dans un état catastrophique. Impossible de décoller. Je passe la journée entre les toilettes et le charpaï. Je tente un départ en fin d'après-midi dans l'espoir de rejoindre une ville où trouver un hôtel. Malheureusement, je fais à peine 5 Kms avant de m'apercevoir que je suis vraiment malade... Je tombe sur une patrouille de policiers de la route qui me prennent en charge (pour une fois, je suis content de les voir), et qui m'emmènent à l'hosto. 15 bornes en arrière... Ce n’est pas fait pour me remonter le moral mais bon... Au point où j'en suis.

 

Arrivé à l'hosto, ça devient épique... Toutes les idées préconçues et caricaturales que l'on peut avoir sur les hôpitaux dans les pays du tiers-monde sont valables, au moins pour cet hôpital-là... Pour les autres, je ne sais pas, mais pour celui-là, OUI !!! Attention, ce n'est pas pour critiquer, je ne fais que relater les faits tels que j’ai pu les observer. Des grenouilles dans le couloir, murs qui s'effritent, docteurs incompétents, le responsable de l'hosto TOTALEMENT incompétent, des rats partout (notamment un qui s'est baladé sur moi pendant plusieurs secondes avant de me sortir de mon semi sommeil et que je ne l'éjecte d'un soubresaut de la jambe), équipements rudimentaires, des patients qui fument dans les chambres, des médecins qui fument en t'auscultant, des patients et autres personnes étrangères au service ayant accès à ton dossier médical, pannes de courant longues et régulières, etc.

 

D'abord, on ne me prend pas ma température. Juste la pression sanguine, quelques questions et le diagnostic est fait. On me perfuse une solution saline, avec aussi du glucose, un autre flacon plus petit, une ou deux piqûres, et voilà. On me laisse là, dans le bureau du responsable de l'hosto qui parle fort... Il paraît que je parle fort aussi... J'espère que ce n’est pas pour les mêmes raisons... Lui, je sens qu'il parle fort parce que c'est lui le boss et qu’ici ça marche pas mal comme ça. Ensuite, il me parle dans un anglais déplorable et me rabaisse dès qu'il le peut. Notamment quand je lui dirai, le lendemain après-midi, que je suis allé trois fois au cabinet, il me reprochera de ne pas l’avoir averti et qu'il ne comprenait pas que quelqu'un d'éduqué comme moi ait pu être assez bête pour passer à côté d'une telle évidence... Je le laisse à sa connerie et à sa vanité, car il est vaniteux le bougre ! Et c'est pas joli joli. En effet, j'ai remarqué que dès qu'une nouvelle personne entre dans son bureau, il se tourne vers moi et commence à me parler en anglais de quelque chose qui n'a rien à voir, juste pour montrer que 1) il parle anglais et que 2) son interlocuteur occidental le comprend et le considère assez pour lui répondre. Tout cela, vous vous en doutez, m'agace. Mais bon, mon état ne me donne pas vraiment le droit d'être agacé.

 

Je passe donc une très mauvaise nuit sur la table d'auscultation (appelez ça comme vous voudrez, je ne connais pas le terme exact) dans le bureau du boss qui reste éclairé toute la nuit et où la clim me donne un froid de canard... Au matin la grosse voix du boss me réveille brutalement en me disant que mon état est stable (il ne m'a même pas ausculté, ni posé aucune question sur comment je me sentais, en l'occurrence pas mieux...) et que je vais maintenant aller dans une chambre. On me transfert donc dans une chambre où j'ai l'heureuse surprise de voir que l'on m'a flanqué non pas un, mais DEUX gardes du corps, armés tous deux ! Au cas où je voudrais m'échapper peut-être. En tout cas, ils sont sympas et discrets, c'est déjà ça. Je passe la journée sous perfusion. On me donne à manger et à boire et ce n'est pas trop mauvais, alors je mange, malgré mon mal de bide qui ne veut pas partir. Dans la chambre aussi le lit est inconfortable au possible. En fin d'après-midi, la panne d'électricité coupe les ventilos de ma chambre et l'on me transfert de nouveau vers le bureau du boss pour passer une seconde nuit sur la table de machin...

 

Comme je suis crevé, malgré le nombre impressionnant d'heures de sommeil que j'enchaîne, je dors un peu mieux cette nuit-là. Et le lendemain matin, alors que le seul examen qu'on m'ait fait jusque-là remonte à l'avant-veille, avec la pression sanguine, le boss de l'hosto me dit que je suis maintenant "complètement rétabli" alors que, perso, je suis encore complètement dans le coltard... Il m'énerve tellement que j'accepte sa proposition de sortie de l'hôpital. Après deux bonnes heures, le temps de me préparer, prendre mon petit déjeuner et me reposer encore un peu, je sors donc de cet hosto hallucinant. Le pire dans l'histoire, c'est que, si ce n’est le boss qui me sortait par les narines, les autres étaient très gentils et se sont occupés de moi du mieux qu'ils ont pu, avec les moyens du bord. En partant, j'ai affaire à un autre responsable qui me dit qu'il ne peut pas accepter d'argent (je lui demandais combien je leur devais) pour le service rendu... Je le remercie chaleureusement et prends donc la direction de Rahim Yar Khan, à une centaine de kilomètres de là.

 

Je me dis que dans mon état, si je fais 20 bornes ce sera déjà bien... Ceci dit, malgré le soleil qui tape et la fatigue qui ne m'a pas vraiment quitté, mes jambes ont l'air de fonctionner correctement. C'est sans doute tout ce qu'ils m'ont perfusé en deux jours qui ne demande qu'à s'exprimer. Au bout de trente-cinq kilomètres je m'arrête dans un autre resto route, totalement épuisé, et commence à redouter que tout ça ne recommence. Cela éveille des craintes chez mes policiers. Eh oui ! Comme avec cette histoire, ils ont retrouvé ma trace, je suis de nouveau escorté sur la route. Toujours est-il qu’après un break d'une demi-heure, je me sens mieux et repars avec l'espoir d'arriver à Rahim Yar Khan le jour même. Finalement, après une grosse journée où ma condition s'améliore au fil des kilomètres, j'arrive à Rahim Yar Khan. Là, rebelote ! Ma dernière escorte me fait signe de la suivre jusqu'au poste de police de la ville où je dois rencontrer le responsable du district. Ce dernier est très gentil mais, malgré ses affirmations, ne capte rien à l'anglais, ce qui fait que j'ai du mal à lui faire comprendre que je n'ai pas besoin ni envie de gardes du corps... Finalement, il me trouve un bon hôtel en centre-ville, et me laisse sans garde du corps (ouf !) vaquer à mes occupations.

 

Je profite donc de cette fin d'après-midi et de toute la journée suivante pour me remettre des deux jours d'hosto, de la maladie elle-même, et visiter un peu cette sympathique cité. Le contact avec les habitants est très bon et je trouve l'ambiance générale très sympa. Bien sûr, comme dans le reste du pays, c'est très pauvre, mais ça a l'air un peu plus vivable par ici que dans d'autres régions. Il y a une jolie mosquée et le centre est parsemé de quelques espaces verts assez rafraîchissants.

Après une nouvelle journée statique, je repars, assez tard, vers midi, toujours en direction de Lahore. Je dois repasser à la police où le responsable m'embrasse comme si j'étais le fils prodigue revenant au pays après des années passées sur les routes. Trop drôle ! Evidemment, on me refile une nouvelle escorte policière qui m'accompagne sur les 20 premiers kilomètres. Il faut quand même que je vous explique comment ça marche. Toutes les 10, 15 ou 20 bornes environ, ça dépend de la taille du district, les flics se relayent. Un nouveau pick-up m'attend. Ils se refilent le bébé (moi) en quelque sorte... Donc, par jour, j'ai droit à environ 5 à 7 équipes (en général trois personnes) d'escortes, pendant à peu près une heure chacune. Celles qui n'ont pas de chance ce sont celles qui tombent quand je veux faire des pauses. Des fois, ils essayent de me presser pour que j'aille plus vite, je les envoie chier et ralentis, ce qui les calme un peu. Je leur explique sèchement que moi je n'ai rien demandé et que je n'ai pas besoin ni envie d'escorte et que s'ils ne sont pas contents je ne les retiens pas... Et puis il y a ceux qui insistent pour que je monte le vélo dans le pick-up. Même motif, même punition ! Eux je leur explique que je n'ai pas fait plus de 9500 bornes (eh oui déjà !) jusqu'ici à vélo pour mettre ledit vélo dans leur pick-up de police ! Bref, l'escorte policière demeure mon problème numéro un au Pakistan. Avec toujours les rassemblements dès que l'on s'arrête. Le plus navrant dans toute cette histoire c'est que si je n'étais pas tombé malade la deuxième fois, je leur aurais peut-être échappé jusqu'à la fin, jusqu'à l'Inde ! Ah ! J'enrage !

Et me voici donc à Liaqatpur. La dernière escorte, assez cool, me montre un hôtel pas cher où je m'installe avant de ressortir pour manger et boire un bon milk-shake à la mangue qui a succédé, dans mes boissons du voyage, au fameux jus de melon iranien, et je m'aperçois qu'on m'a de nouveau flanqué un garde du corps. Celui-ci n'est pas en uniforme, il est en pyjama, comme tout le monde, mais porte tout de même une kalachnikov. Je me dis que, de toute façon, il ne sert à rien. En effet, le pire qui puisse décemment m'arriver c'est qu'un gamin me jette une pierre et se barre en courant. Et si ça arrive, que va faire mon superpyjamaman[i] avec sa Kalache ? Va-t-il, comme je l'espère, mitrailler cette graine de terroriste ou, comme je le crains, le laisser s'enfuir ? Allons, soyons sérieux... Et puis, si des terroristes veulent m'enlever pour me vidéo-guillotiner, comme je ne l'espère pas, sachant comment ces gens-là ont l'air d'être bien organisés (Cf. : 11 Septembre 2001), je ne crois pas que c'est ce gugusse à Kalache qui les en empêchera... Résultat, j'ai de plus en plus de doutes sur les réelles motivations du gouvernement pakistanais à m'encadrer d'une présence policière.

 

Justement, ce soir, en lisant un article du Monde sur les municipales au Pakistan (remportées par le parti de la coalition du pouvoir en place) une idée pas si saugrenue que cela me vient. Dans l'article ils parlent des accusations de fraudes de l'opposition perdante, et des observateurs internationaux qui confirment généralement cette thèse. Je me dis qu'il se peut que l'on me prenne pour un observateur incognito et que l'escorte ce soit plus pour me surveiller (m'empêcher de m'éloigner de la route principale et de voir des trucs que je ne devrais pas voir) que pour ma simple sécurité. En plus, je repense à plusieurs questions de policiers qui m'escortaient : Vous êtes payés par votre gouvernement ? Vous appartenez au gouvernement de la France ? Vous êtes policier ? etc. qui me font penser que l'on m'a peut-être présenté comme ça auprès d'eux... Surtout quand je revois les mines surprises qu'ils prenaient quand je leur disais que pas du tout !

 

Quoiqu'il en soit, je suis maintenant persuadé que l'escorte policière est plus là pour me surveiller que pour me protéger. Ceci dit, si l'on veut m'agresser elle est là, et c'est plus un bien qu'un mal... Mais bon, j'ai tout de même pété un câble quand un gars est venu me voir dans le café Internet où je tchatais avec des amis et m'a demandé si je n'avais pas faim. Je lui ai dit que non et là il m'a indiqué mon garde du corps assis un peu plus loin et m’a dit : "Oui, mais lui, il a faim. Alors, il voudrait que vous alliez manger...". Quelques secondes plus tard, le gars regrettait déjà d'avoir mis sa connaissance de l'anglais au service de mon garde du corps tellement je lui tapais un speech lui expliquant en son et en image ma façon de penser. De retour à l'hôtel, qui fait aussi restaurant, je commande mon repas, et là le garçon me demande si je ne prends qu'un repas ou si j'en prends un aussi pour le garde du corps, sa mimique impliquant que le garde du corps voudrait que je prenne en charge son repas. Je fulmine et explique une nouvelle fois ma façon de penser, cette fois-ci en l'engueulant vivement, à superpyjamaroseman[ii] et sa kalache. Je crois que cette fois il a capté que sa présence me saoule déjà assez comme ça sans qu'il n'en rajoute.

 

J'ai crié trop tôt « Victoire ! ». Ce matin, à 10H00, je dormais encore du sommeil du juste, quand on frappe à ma porte. C'est encore lui qui veut savoir quel est mon programme pour la journée. Je l'envoie balader en lui rappelant que je dors et que ce ne sont pas des façons. Puis, une heure plus tard, quand je vais petit-déjeuner un bon milk-shake de mangue, il est encore là. Finalement, avant de quitter la ville je dois pointer au poste pour faire le lien avec ma première escorte motorisée de la journée. Et me voici reparti.

 

La journée se passe bien, j'ai enfin le vent dans le dos. Je me sens de mieux en mieux. Je récupère des forces petit à petit et là ça a l'air d'être presque totalement revenu. Et donc, le soir même, je suis à Bahâwalpur (d'où je vous écris ce mail) où je dois à nouveau péter un câble chez les flics (dont j'admire la bonne composition, parce qu'entre nous, c'est pas en France qu'on verrait des officiers de police, haut placés parfois, se faire engueuler par un vulgaire touriste, encore moins par un pakistanais, surtout par les temps qui courent...) afin qu'ils me donnent quartier libre...

 

Demain je repars en direction de Multan que je devrais atteindre dans la journée et Lahore où je serai dans 4 jours si le vent et le ventre le permettent...

 

A+

 

Lionel

 

[i] superpyjamaman : Emploi ironique du mot pyjamaman : Homme-pyjama.

[ii] superpyjamaroseman : La même mais en couleur…

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